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Convections urbaines série 2            2024

J’ai toujours voulu, par la photographie, accompagner les mutations des villes et rendre compte de leur épaisseur et de leurs convulsions comme de la diversité des humains qui les traversent. C’est ainsi que le suivi des travaux de la nouvelle médiathèque de Grasse m’a permis de mesurer les enjeux d’une forme d’interversion du paysage architectural et d’interroger la manière dont l’histoire s’inscrit ou s’efface dans nos espaces urbains actuels.

La cohabitation entre l’habitat urbain solidaire et expressif du vieux Grasse et l’architecture placide et vermiculée résolument contemporaine de la médiathèque Charles Nègre, témoigne des défis d’une telle mixité. Il m’a paru intéressant de confronter les teintes chaudes du tissu ancien à la plasticité du béton. Mon approche photographique a donc été d’inscrire dans ce nouvel espace encore vierge, des fragments de murs faits d’accumulations d’empreintes, de traces et de stigmates. C’est l’épaisseur du temps qui révèle des époques et des vécus et qui va s’associer et se souder à ce nouveau repère culturel, comme un lien ombilical qui accouple l’ancien et le nouveau.

Cependant, ce contraste chromatique pose la question de la perception de nos villes: la modernité tend le plus souvent à effacer les irrégularités et les aspérités, alors que le passé est chargé de teintes, d’histoires et d’accidents visuels. Leur juxtaposition insiste donc sur la nécessité de persistance de l’ancien dans un monde qui tend à lisser et homogénéiser ses surfaces. L’apparente rugosité de ces portions de murs semble même défier la neutralité architecturale. L’opposition matière contre matière m’a permis de créer une tension forte où la matérialité du passé semble vouloir s’imposer dans un espace minimaliste qui est conçu pour être aseptisé et homogène, comme s’il refusait d’être éclipsé par le présent, comme une tentative de résistance à l’oubli. Cette confrontation photographique génère ainsi un flux d’échanges et une circularité productive faite à la fois de dissonances et de correspondances entre le Vieux Grasse et la médiathèque, tel un passage de relais forcement annonciateur d’une ville en pleine mutation.

MS, 2025

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